En étant journaliste et en ayant géré pendant plusieurs années les relations avec les blogueurs pour une grande maison d’édition, j’ai eu l’occasion de voir toutes les facettes du service presse et d’entendre beaucoup de choses étonnantes sur ce lien particulier entre éditeurs, journalistes et blogueurs. Essayons de tordre le cou à quelques idées reçues 😉
Idées reçues n°1 : « Les éditeurs peuvent bien donner des livres, ça ne leur coûte rien »

Rien n’est plus faux que cette phrase… Envoyer des SP coûte un bras aux éditeurs. Non seulement ce sont des exemplaires qu’ils ne vendent pas mais en plus il faut compter les frais d’envois : retrait distributeur, enveloppes, timbres (ou paiement du service au distributeur)… Pour un roman dont le prix de vente est de 16 euros en librairie, le coût total d’envoi pour l’éditeur, en SP, est d’environ 10 euros par exemplaire. En multipliant par cinquante, ou cent blogueurs, on comprend vite que le budget est loin d’être négligeable !
Idées reçues n°2 : « Mais elles peuvent se le permettre avec toute la thune qu’elles ont ! »

Je ne vais pas m’étendre sur le sujet. Les budgets marketing/communication des maisons d’édition n’ont rien à voir avec ceux de grands groupes de cosmétiques ou du secteur automobile, etc.
Idées reçues n°3 : « Les SP, ce sont des cadeaux faits par les éditeurs aux blogueurs »
Non, ce ne sont pas des cadeaux, ce sont des partenariats, des échanges « gagnant-gagnant ». La maison d’édition envoie un livre, en attendant une chronique en retour, qui participera à la communication sur un titre. Les maisons d’édition posent, en général, des conditions de délai car l’envoi de SP s’inscrit dans un plan de promotion. L’objectif est d’accompagner la sortie du livre.
Idées reçues n°4 : « C’est dégueulasse, les maisons d’édition prennent toujours les mêmes blogueurs et jamais les petits blogs »

Je l’ai entendu souvent celle-ci ^^ Oui, les maisons d’éditions sont des entreprises et elles sélectionnent les blogueurs influents qui vont générer le plus de visibilité car l’objectif principal d’une maison d’édition, en envoyant un SP, est de faire connaître son livre au plus grand nombre. Rappelez-vous, l’envoi de SP coûte assez cher, il faut que le retour sur investissement soit intéressant pour l’éditeur. Cela dit, ce n’est pas complètement vrai car certains éditeurs sont aussi très sensibles à l’investissement des blogueurs et préféreront un « petit » blog très investi et dynamique à un mastodonte dans lequel le livre de l’éditeur sera potentiellement noyé sous les SP des autres maisons.
Idées reçues n°5 : « Les blogueurs qui reçoivent des SP ne font pas des chroniques honnêtes »

Comme pour n’importe quel autre média, un blogueur reste libre du contenu éditorial qu’il publie sur son blog. Il a le droit d’aimer ou non un livre et de le dire, exactement comme un journaliste. Je suis persuadée que la plupart des maisons d’édition respectent ce principe. Aucun blogueur n’a été exclu de ma maison d’édition après avoir écrit une mauvaise critique (oui, il y en a eu).
Idées reçues n°6 : « C’est un travail, les maisons d’édition devraient payer les blogueurs »
Encore une demi-idée reçue 😉 Être blogueur peut être un travail puisque certains en tirent un revenu, en hébergeant de la publicité sur leur site ou en mettant en place des opérations de promotion (habillage du site aux couleurs d’une parution, par exemple). En revanche, si l’on assimile l’écriture d’une chronique de blog au travail de critique réalisé par un journaliste, les blogueurs ne peuvent pas être rémunérés par l’éditeur, pour une question d’indépendance ; tout comme les journalistes ne sont pas rémunérés par les gens qu’ils interviewent. Le fonctionnement d’un blog est donc très similaire à celui d’un journal : certains journaux font le choix de ne pas avoir de publicité, d’autres ont de la pub gérée par leur service commercial et sans lien (normalement) avec la rédaction.
21 commentaires sur “Fantasmes et réalité sur les services presse (SP)”
Merci pour cet éclairage 🙂 On ne pouvait pas dire mieux.
Très bon article ! J’ai partagé sur Twitter. 🙂
des vérités joliment illustrées !!
Je découvre votre article. Il est clair, net et précis. Si après ça, il y a encore des personnes pour se plaindre, je ne comprends pas.
contre exemple , Houellebecq terrible Marketer au niveau Presse …je connais aussi des journalistes ..et apres un bon repas ils parlent ou=vertement ..
Merci pour cet article intéressant et qui éclaire certaines données 🙂
En tant que blogueur je comprends très bien le poids économique des SP, et je comprends très aussi mon besoin d’espace vital, alors je prends en numérique 😀
Par contre, juste un petit détail, un partenariat s’est trouvé rompu par la maison d’éditions parce que mon article n’abondait pas dans leur sens. J’ai bien lu que vous ne l’aviez jamais fait, mais cela arrive.
Je regrette tout de même une chose est que le suivi des SP par les maisons d’éditions n’est pas toujours au rendez vous.
En tout cas, très bon article !!!
Merci
C’est évident qu’il existe, que ce soit chez les éditeurs ou chez les blogueurs, des personnes qui ne jouent pas le jeu. Heureusement, ce n’est pas une généralité et sans doute qu’en étant transparent sur les attentes et les enjeux, chacun pourra mieux comprendre cet écosystème. Les éditeurs doivent accepter la prise de risque d’avoir une mauvaise critique, comme ils l’acceptent des journalistes et les blogueurs peuvent comprendre qu’ils doivent accompagner l’actualité, que c’est l’essence de ce partenariat.
Qu’est-ce que vous entendez par un suivi de SP qui n’est pas au rendez-vous ?
Article très intéressant ! Je partage 😊
Très intéressant comme article. Je me demande par contre, pourquoi certains éditeurs envoient massivement et parfois sauvagement des SP à des bloggeurs qui ne les ont pas demandé, si ça coûte autant? Je me pose la question, étant libraire et bloggeuse, je ne connais que le dernier maillon de la chaîne. Et que ce soit en librairie ou dans ma boite aux lettres, certains éditeurs envoient sans demander, alors que justement ils auraient pu l’envoyer à quelqu’un de vraiment intéressé.
Personnellement je suis pour le donnant-donnant, c’est pas un soucis. C’est pour ça que je privilégie le SP ponctuel. Ou en accord avec mes envies du moment, mes goûts. Entre les deux il doit y avoir une jolie collaboration, où tout le monde est d’accord sur le SP.
C’est très clair! Merci pour cet article. Je crois que le débat est parti du fait qu’une ME propose de lire 15 livres par an ou un truc du genre… du coup certaines pensent que Cela faisait beaucoup alors que ce ne dérange pas d’autres…
bref, perso je chronique les livres que je veux, comme ca pas de pb avec les SP mais je trouve ça bien que ce système existe!
Coucou,
Je sais bien que les ME fonctionnent chacune différemment et n’ont pas les mêmes budgets mais il y a quelque chose que je ne comprends pas et qui je trouve est assez contradictoire avec l’idée N°1. Pourquoi, si un l’envoi d’un SP est si coûteux, les ME continuent d’en envoyer s’en « réfléchir » ? Pourquoi continuer d’en envoyer à des influenceurs qui n’ont rien demandé et qui ne les liront pas… voir, qui n’en pareront jamais sur aucun de leurs réseaux ?
Et je ne comprends pas le point N°6. Des ME contactent bien des influenceurs pour qu’ils fassent la promo de leurs livres par de la création de contenu ?
Mon choix, qui a été accepté et apprécié de ma maison d’édition, était d’informer les blogueurs de nos parutions, de leur demander quels titres ils souhaitaient recevoir et de ne leur envoyer que leurs commandes. Je pense que c’est plus efficace mais ça reste mon point de vue. Les blogueurs sont très sollicités, certains croulent sous les SP et je sais (comprends) que ça puisse les agacer un peu de recevoir un tome 2 quand ils n’ont pas lu le tome 1, par exemple (après rien n’empêche l’éditeur de proposer le tome 1). Cependant, tout ça est très chronophage et représente donc aussi un coût pour l’entreprise : le temps que je passe à faire ça, je ne le passe pas sur autre chose… Ça peut donc être plus rentable de faire un envoi systématique (ce qui ne veut pas dire envoyer à la terre entière 😉 ). Le revers de la médaille de la prise de commande c’est que les blogueurs n’iront pas forcément vers des titres qui ne les attirent pas au premier abord et qui auraient pu les séduire.
Excellent article qui remet bien les choses à leur place ! Merci beaucoup !
Bonjour et bien vu, tenant un petit blog, j’ai des contacts avec des maisons d’éditions fidèles comme je le suis à elle même si je n’aime pas tout ce qu’elles publient -mais comment le pourrait-on ? J’avoue que je ne me rendais pas compte du coût d’un SP, même si je savais que ce n’était évidemment pas gratuit. Quant à la rémunération, surtout pas, considérons que recevoir des livres est une sorte de rémunération
Je tiens des chroniques le plus régulièrement possible et tiens un « petit » blog depuis peu de temps. Il y a deux mois , j’ai entamé des contacts avec les maisons d’édition ( grandes ou plus petites) recélant dans leurs catalogues des polars/romans noirs/thrillers qui sont mon genre de prédilection! J’ai été très agréablement surpris par la qualité des contacts et par les retours , mais il est vrai que c’est très chronophage! Alors , désormais, j’informe de mes programmations lectures suite à mes réceptions sp , je chronique derrière et, peu à peu, un lien de confiance s’établit car , au départ , « ILS » ne me connaissaient pas! Et maintenant , je suis partenaire de plusieurs éditeurs importants ( ou moins mais peu importe , seule la qualité compte à mes yeux!) et je chronique ! Mais attention , je suis en retraite , donc en terme de disponibilité……. Et je reste tout à fait conscient que tout SP représente un coût supplémentaire dans une opération promotionnelle!
Merci pour cet article!
Très intéressant comme article.Cela met une claque aux idées reçues.
Excellent article! Merci Elodie! Je découvre ton blog et je le trouve vraiment magnifique, autant dans son contenu que dans sa forme! Il est génial!
Merci beaucoup 🙂
C’est un bon article en effet, ça remet un peu les pendules à l’heure.
Je crois qu’il est également assez difficile de devenir un blog suffisamment populaire pour attirer l’attention des maisons d’édition et pour véritablement leur être profitable. Les blogueurs qui se plaignent que ce sont toujours les mêmes qui reçoivent tout devraient se concentrer sur leur blogue et continuer de le faire croître…